Mon texte s’adresse autant aux artistes & artisan(e)s, aux « mamans/papas » de belles entreprises d’ici (ou futures entreprises d’ici) qu’à tous ceux et celles qui veulent en savoir plus sur ce que vivent de nombreuses entrepreneur(e)s québécois(es).
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Cosima de Coco Caribou fait des serviettes de tête. C'est elle qui a inventé la serviette de ratine doublée de coton qui s'accroche avec un élastique. Elle a écrit sur le plagiat récemment.
J’ai eu ce sujet en tête toute la journée car elle est venue me demander ce que je pensais de son texte en début de journée.
Quand je réfléchissais avec Cosima sur le sujet, je pouvais comprendre sa détresse dans cette mer de copies et la raison pour laquelle elle avait envie d’en parler.
Des cas de plagiat, il y en a de plus en plus et je me suis demandée pourquoi. On veut se lancer en affaires mais on n’a pas d’idées? On voit le succès de l’autre et on veut se l’approprier?
Les raisons que mentionnent les personnes qui copient sont toujours les mêmes. Voici d’ailleurs une liste non-exhaustive de raisons que quelques amies entrepreneures se sont déjà fait dire :
« J'AI VU ÇA SUR PINTEREST »
La plus commune. Rabâchée à tout le monde que je connais qui s’est déjà fait copier son produit.
Ok, tu peux t’inspirer de Pinterest, de l’Internet, je l’ai fait moi-même pour mes paniers, mais de là à copier un patron ou reprendre une idée dans son ensemble telle qu’elle, c’est non. Cette idée a probablement une propriété intellectuelle.
Les mouchoirs Bateau bateau sont sûrement sur Pinterest… Ça signifierait donc qu’ils peuvent être copiés tels quels?
« TOUT LE MONDE EN FAIT, J'AI LE DROIT »
Il y a une différence entre des sacs à collation (ou encore des vêtements évolutifs où tout le monde utilise le même patron) et des produits uniques, jamais vus sur le marché.
D’ailleurs, je me demande encore qui a pensé en premier aux sacs à collation. Cette personne devrait vraiment recevoir la reconnaissance qui lui est due parce qu’elle a révolutionné le marché des produits lavables. Des sacs à collation, tout le monde en fait probablement parce que tout le monde est rendu à suivre la même copie originale. Il y en a tellement qu’on ne connaît plus la source. Et donc, les gens sont rendus à en faire et à copier tout le monde sans s’en rendre compte, et ça c’est étrangement accepté socialement. Que le meilleur à les commercialiser gagne!?
Des vêtements évolutifs, les entreprises qui en confectionnent ont acheté le patron original et sur ce patron, il est indiqué si on peut ou non revendre des produits issus du patron. Si quelqu’un nous pose la question sur le patron, en toute éthique, nous mentionnons la source (je parle au nous parce que Bateau bateau a déjà vendu des vêtements évolutifs par le passé). Au moins, dans ce cas-ci, les personnes qui ont inventé le patron original ont la reconnaissance qui leur est due. De l’argent leur revient pour leur idée. Après, chaque entreprise peut concevoir ses vêtements avec les styles de tissus qu’ils préfèrent. On essaie de trouver notre originalité là-dedans. Sinon, les entreprises ont peut-être fait leur propre patron et là, reprendre le même patron qu’une autre entreprise n’est clairement pas acceptable.
Je pourrais vraiment donner des exemples pour chaque industrie! Mais en règle générale, « Tout le monde en fait » est un si piètre argument. Après, il faut se demander : Est-ce que tu as fait ton patron ou créé quelque chose de différent? Est-ce que l’idée vient de ta tête ou tu as essayé de répliquer exactement ce que tu as vu quelque part? Quelle est ta touche originale? Qu’est-ce qui te différencie des autres?
« LES GENS M'EN DEMANDAIENT »
Quand les gens me demandent des sacs à collation, je les dirige vers Demain demain. Je ne commencerai pas à faire des sacs à collation parce que les gens m’en demandent. Quand je considère que d’autres entreprises font un excellent produit, je préfère les diriger vers elles.
OUI, les gens peuvent nous demander des produits parce qu’ils aiment notre marque. On veut les rendre heureux nos clients. Mais alors, on n’est pas obligé de copier quelque chose qui existe pour garder cette part de marché pour nous. Je préfère être solidaire et référer, quitte à revendre le produit ou les marques que j’aime à même mon site, plutôt que de les plagier. Je préfère sinon inventer quelque chose qui n’existe pas et que les gens ne pourront pas trouver ailleurs.
Par exemple :
Les gens m’ont demandé une pochette de transport pour mes mouchoirs. Ça n’existait pas alors je l’ai créée.
Les gens m’ont demandé du papier de toilette. Je trouvais qu’il y avait un manque dans le marché par rapport aux tissus offerts pour le papier de toilette. Je trouvais aussi qu’il manquait un système pratique d’utilisation pour en faciliter l’usage, alors j’ai créé quelque chose de complètement nouveau.
La raison est trop facile pour les gens qui copient et qui n’ont pas réfléchi ben ben plus que ça à leur marché.
« JE NE TE CONNAISSAIS MÊME PAS »
« J'AI JAMAIS VU TON ENTREPRISE AVANT »
On fabrique en pensant que c’est notre idée. Enfin, c’est comme ça que plusieurs se justifient… Ne pas connaître son marché et sa compétition, ça part déjà mal!
Pis parfois, c’est dur à croire, parce que les coïncidences sont extrêmement improbables.
Quand les textes explicatifs des produits comportent les mêmes mots, que les photos de produits se ressemblent, que c’est apporté de la même façon pour les vendre. Là, c’est ben ben spécial.
J’ai même déjà vu un : « Je ne te connaissais même pas » et « J’ai vérifié tes prix, par respect, pour ne pas te couper l’herbe sous le pied » dans un même texte d’une entreprise qui se défendait de ne pas avoir copié. Louche.
C’est une phrase défensive et ça revient un peu à ce que je disais juste avant sur le fait que les gens ne réfléchissent pas ben ben plus que ça à leur marché avant de fabriquer quelque chose. C’est la moindre des choses de fouiller un peu pour voir si ça se fait ailleurs.
Sur des groupes comme « Recherche Made in Qc », quand quelqu’un demandait des mouchoirs lavables, je voyais bien, en 2018, que personne d’autre n’offrait ce que je voulais offrir. J’ai fait des recherches jusqu’en 2015. J’ai fait des recherches sur Etsy au Canada, j’ai fait des recherches aux États-Unis. J’ai cherché comme je pouvais partout dans le monde! J’en ai pas trouvé, alors je me suis lancée.
Ça pourrait arriver, un jour, que boum! Quelqu’un vient nous dire qu’on a copié leur produit. Et alors, c’est de voir qui l’a mis en marché en premier et de reconnaître l’idée de l’autre, quitte à voir à une collaboration possible au lieu de tout nier et de sortir un paquet de phrases justificatives qui ne tiennent pas la route.
« JE FABRIQUE CE QUE JE TROUVE BEAU »
Ah ben oui…
On est sensé dire merci?
Ça me fait aussi penser à ces personnes qui fabriquent des choses « pour le plaisir ». Pas pour vendre (mais qui les vendent quand même). Qui se disent qu’elles n’ont pas besoin de déclarer rien, parce qu’elles ne font pas assez d’argent avec ça par année. Qui ne sont évidemment pas enregistrées non plus et qui n’ont aucunement conscience des réalités fiscales entrepreneuriales!
Évidemment, comme ces personnes n’ont aucunement conscience de tout ça, elles ne savent pas non plus que le produit qu’elles sont en train de confectionner a une propriété intellectuelle!
Et comme ces personnes font ça « pour le plaisir » et non pour l’argent, elles vendent des produits qui valent 100$ à 4$ sur Etsy.
En plus de plagier allègrement sans s’en rendre compte, ces gens ne réalisent pas à quel point ça a un gros impact sur le marché au Québec, et que ça peut faire mal aux autres artisans et entrepreneurs qui essaient d’en vivre.
« C'EST PAS PAREIL »
C’est pas pareil, moi j’ai pas mis l’élastique à la même place que toi…
C’est pas pareil, moi je les ai fait en rouge…
Elle est où la limite du pareil / pas pareil, qu’est-ce qui fait que certains produits sont considérés comme plagiés et d’autres non? Pas évident hein? Moi je dirais que si c’est identique (même chose exactement), c’est pas mal clair que c’est du plagiat!
Autrement, s’il y a confusion (on pense à telle marque en voyant le produit parce que c’est trop évident), on se retrouve dans la zone plagiat.
Nier les ressemblances, je l’ai vu notamment au niveau des artistes visuels. Par exemple, une illustration qui a une ressemblance vraiment marquante avec une illustration d’une autre artiste. C’est le même sujet, le même positionnement, mais les couleurs sont un peu différentes… Câline que ça doit être fâchant pour un artiste?
Je connais quelqu’un qui l’a vécu souvent, mais qui a un jour vécu l’inverse!
Je vous partage dans mes mots son témoignage :
Elle avait partagé une illustration d’un éléphant mauve. Quelques jours après, une autre artiste avait peint un éléphant mauve. La ressemblance était flagrante. La couleur, la composition identique (de profil, la trompe en l’air, la position des pattes, même la position des gouttes de splash). Cette autre artiste est venue en parler d’elle-même, en s’excusant de la ressemblance, qu’elle venait de voir le même éléphant, qu’elle avait dû le voir avant et se faire jouer des tours par son subconscient qui avait dû être influencé sans que ce soit délibéré.
Les deux artistes en ont ri et ont viré la situation de bord, ensemble. Le lendemain, l’autre artiste lui envoyait une photo d’un dessin que sa fille avait fait. Un éléphant mauve!
Bref. Parfois, les gens sont ouverts et s’exposent d’eux même, avec une attitude qui est tout à leur honneur. D’autres fois, ils sont stupides, sur la défensive et nient tout en faisant un « ma p’tite vache a mal aux pattes » avec les raisons mentionnées ci-dessus.
EN CONCLUSION
En affaires, on ne doit pas avoir d’émotions.
Une entreprise a sa propre personnalité, un branding et est beaucoup plus grande qu’un individu, que notre petite personne.
Mais quand l’entreprise est encore tenue à bout de bras par son/sa créateur.trice, c’est plus délicat. C’est plus difficile de dissocier l’émotion. Car dans ce cas là, notre entreprise est encore notre bébé… nos produits et nos créations, ce sont nos enfants. Et quand on voit des photos de nos enfants sur Internet, carrément clônés (parce que clairement, ce ne sont pas les nôtres, à moins qu’ils aient été kidnappés, mais là, c’est pas possible, ni vraiment mieux…), dans un autre environnement que le nôtre, on ne peut pas se sentir bien là-dedans.
C’est un choc. On est pris dans des émotions négatives, on ne sait pas comment réagir. On essaie d’en parler, mais on le fait secrètement, avec des ami(e)s. Pourtant, on aimerait crier haut et fort à l’injustice, mais il ne faut pas. Parce qu’il y aurait diffamation. Parce que ce n’est pas « bien vu » de le faire via la page de son entreprise ou parce qu’on ne veut pas s’empreindre de cette négativité. On est « plus fort(e) que ça ».
On lit des citations de Coco Chanel pour nous rassurer…
Copiez mes idées, j'en aurai d'autres!
Mais ça ne nous rassure pas tant, parce qu’on ne veut justement pas se faire prendre nos idées!
Alors je vous comprends. Vous qui avez tenté de parler doucement et diplomatiquement aux gens qui vous ont plagié et qui avez reçu l’une des phrases mentionnées plus haut (ou une autre, toute aussi farfelue). Vous qui ne pouvez rien faire d’autre, car vous n’avez aucun recours légal pour vous protéger de tout ça. Je suis de tout cœur avec vous.
Je souhaite que tout le monde soit sensibilisé au problème un jour. J’ose espérer que la conscience collective soit un jour assez élevée au Québec pour qu’on se respecte et qu’on s’entraide plus qu’on se copie. Qu’on soit honnêtes et transparents.
On est un peuple créatif, innovateur. Prouvons-le!
ET VOUS?
Avez-vous déjà été victime de plagiat?
Avez-vous toujours voulu dénoncer, parce que la situation vous a viré à l’envers, mais ne l’avez jamais fait pour toutes les raisons mentionnées plus haut?
Si vous voyez du plagiat sur les réseaux sociaux, commentez en toute subtilité et avec un inoffensif : #blehberg
Ça permet de crier à l'injustice en silence sans mettre une entreprise en péril.
Et peut-être que les gens concernés arriveront à cet article!